Questionnaire général

• Quel est son plus lointain souvenir ?
Sa mémoire retient quasiment tout. Rien ne filtre. Quelques bribes partent. Sur le fil du rasoir, l'assassin porte le poids de ceux tombés sous lui. Mais surtout restent aussi les bribes d'enfance, les regards en coin. L'odeur de la menthe, si forte, si présente, tandis que son père disparaît par la porte. Sa mère silencieuse, qui ne lui a jamais parlé de qui elle était. L'enfance d'un silence.

A bien y réfléchir, ce sont les silences qui l'ont marqué plus que tout. Pour ça qu'il aime tant parler.


• Quel est son statut familial ?
► Fils aîné de la famille, comme toujours, les autres ne méritent pas que l'on s'y attarde. Fils unique de la lignée, pour la première fois depuis des décennies. Dégueulasse sollicitude, unicité à vomir, le silence des chambres qui ne sont jamais remplies. Obligation qui tend à la dévotion, une famille soudée par le devoir plus que par leur sang (mais jamais n'a-t-on cherché à se connaître). Loyauté maladive et prospère qui définit leurs liens.

Un ascendant extensif, une famille de neuf - mais la branche de la mort, sabre au clair, se détache par son droit d'aînesse. Huit oncles et tantes d'aussi grande noblesse que lui et le traitent, aujourd'hui encore, malgré leurs enfants, comme un joyau terrifiant. (lui qui n'est qu'ombre et flaque de sang)

Et par-dela ceux qui firent son passé, on devine son avenir aussi morne que son présent. Terre aride et solitaire qu'un jour par devoir il faudra peupler. Par douleur. Par obligation, pour satisfaire à cette dévotion ancrée à son nom.

(Et elles sont mortes, personne ne saura les remplacer)
(Par regret, il faudra souffrir de ne plus aimer)

• Quel est l'objet et/ou l'animal et/ou la personne auquel il tient le plus ?
► S'attacher aux personnes, il ne le fait plus. Leur amour derrière des rêves et des voiles a fondu sous les lumières de l'abjecte dévotion et de leur départ.
Les animaux laissent indifférent : certains chats s'accrochent à son passage mais il ne les recueille pas. Sans doute le velours de ses pas les attache-t-ils à lui.
Sa possession la plus précieuse, alors ? Peut-être ses bijoux, dont il est friand. Des breloques et des décorations accrochées à sa tenue de jour, à sa peau. Certaines offertes par celles qu'il a pu aimer, une fois, il y a trop longtemps. Triangles et boucles, l'infinité et la complétude de ce qu'elles n'ont pas pu devenir.

• Précisez sa principale qualité et son principal défaut selon lui. Cela correspond-il à la réalité ? Si non, précisez également quels sont-ils objectivement.  
► Son esprit toujours sur le fil se connaît mieux que n'importe qui. D'aucuns diraient que c'est son esprit stratège, mathématique et ses conseils posés au compte goutte, toujours justes, formés par le temps. Mais ceux-ci n'ont jamais vu la logique quitter son regard dès lors qu'il est question de suivre son clan.
Loyal jusqu'au bout et c'est au point d'en vomir, au point d'en perdre la vie. Aveugle aux défauts du moindre membre de la famille Sunlin, idéaliste, les yeux crevés, les lèvres gercées, le corps offert comme arme à défaut d'être bouclier. Il n'a pas conscience de cette faiblesse -- pense que ce qui le fera chuter, tomber, c'est le dédain qu'il a à l'égard de tous. (Ou son habitude à papoter)

• Précisez sa taille, son type de silhouette, la couleur et la longueur de ses cheveux, de ses yeux, et ses éventuels signes particuliers.
► de taille moyenne; yeux & cheveux noirs ; cheveux longs ; porte souvent des breloques sur lui, qui tintinnabulent. Dans ses cheveux, sur ses bras, sur son cou, ses hanches. En public, en privé. Coquet et impeccable sur lui (le sang ne le tâche jamais), toujours. Préfère l'argent. C'est une présence rassurante, lorsqu'il marche, on le suit des yeux, on ne s'écarte pas sur son passage. A bien des égards, hors des murs du domaine, il ne ressemble à personne et s'identifie à tout le monde. Ses traits distinctifs n'existent plus et se fondent en un masque ordinaire, dès lors qu'il est envoyé en mission.
(le son de ses pendants d'oreilles qui s'entrechoquent tandis qu'il repose sa tasse et qu'un autre s'effondre)

• Quelle est l'Aberration qu'il redoute le plus ?
► C'est instinctif, c'est terrible, c'est ridicule. Les Aalz ont toujours terrifié l'homme capable de laisser au sol des corps sans vie. Il prétend qu'il a peur des araignées et que leur proximité de ces bestioles lui fiche la frousse. En réalité, c'est la vue de leurs têtes décapitées sur le sol qui le font les redouter. Il sait qu'il ne se retrouverait jamais ébranlé face à quelque chose de plus gros, mais celles-ci peuvent le faire vaciller.

Et quand vient le soir, que dans le noir les corps distordus par leur dernier souffle, puant la fin et la mort souillée, laissés sans honneur aux yeux de tous exhibés, dansent et ricanent pour lui rappeler que son âme n'est qu'un foutoir, c'est lui qu'il considère comme tel. La fragilité de son esprit ne tient que grâce à cette loyauté sans faille. Son père avait la boisson, l'odeur de l'alcool imprégné dans le souffle qu'il masquait comme chacun sait masquer ses plaisirs honteux. Son grand-père avait le sexe, violent, dégoûtant, dégoulinant d'un stupre honteux d'où sont sortis ses huit oncles et tantes. Et avant encore, d'autres moyens de s'en sortir. De se dire que le pire, c'est au coeur qu'on les reconnaît.
Les Aberrations, en secret, ne sont pas si pires qu'eux.

• Son souhait le plus récent
► Dormir un peu plus longtemps. De retour d'une mission, il lui faut en général quelques jours avant de se remettre à un rythme normal - quelques jours pour que les souvenirs s'affadissent et prennent ces teintes que seuls portent les traumatismes refoulés, les habitudes forcées.

Questionnaire de Caste

Il s'agit d'un Yiheliste

• Est-il né au sein du clan auquel il appartient ? Si non, où est-il né, à quel âge et pourquoi a-t-il rejoint son clan ? (Si c'est un Égaré, de quel clan provient-il et pourquoi l'a-t-il quitté?)
► Né au coeur du clan Sunlin, comme son père, et le père de son père, et la mère de son père, et ainsi d'aussi loin que le monde est monde.
Fils de Shuo, enfant de noblesse. Parfums capiteux et paravents poudrés. Leur nom sera toujours associé à celui des Sunlin.

Son enfance et son apprentissage se sont majoritairement fait en Lianshi, si l'on exclut quelques conflits fâcheux l'ayant envoyé deux ans durant en Songhi à ses douze ans. Pas l'âge d'apprendre les sceaux, mais bien assez grand pour fuir les combats.
Depuis sa reprise du rôle de son père à ses vingt-trois ans, il n'est cependant plus cantonné aux confins du Lianshi. A quoi servirait un ambassadeur restant à domicile ..?

• Quel est son rôle et/ou sa fonction dans son clan ? (Si c'est un Égaré, quelle était sa fonction au sein de son ancien clan ?)
► Messager véloce, apprécié, ambassadeur au titre ombré et suintant. L'air serein et pas toujours très amène, un émissaire envoyé ça et là - derrière les portes que l'on verrouille, les fenêtres que l'on voile, le chef de clan et ses proches conseillers glissent entre ses doigts les messages à transmettre et les noms à éliminer.
Chacun le connaît. On apprend à discerner son pas dans les couloirs - car on ne l'entend pas. On se rappelle de sa silhouette et se fige lorsqu'on la croise. On murmure son nom caractéristique mais n'ajoute jamais ce que l'on pense derrière.
Chacun le devine, sans poser de réalité sur ce qu'il fait. On sait que ses doigts portent les messages scellés en plein jour ; les initiés savent qu'il ne travaille que de nuit. Son rang au sein même d'une hiérarchie proche de celle des cieux trahit en plus de son ascendance illustre son importance capitale.
Seul le sang ne suffirait pas à instiller cette déférence dont il a à peine conscience chez les autres - il est important.
Et inéluctable pour qui se retrouve être sa cible.

• Quelle est sa spécialité ? (extermination / purification)
► Purification. La lueur d'espoir et l'apaisement de l'esprit tumultueux - pour celui qui toujours pense et calcule, ne dort pas de se souvenir jusqu'à ce que le jour pointe. La protection de tous aux doigts d'une personne qui les a teintés d'orpiment. Yiheliste méthodique aussi fin que régulé, ombre de son clan. (Juste une putain de lumière inextinguible, la seule jusque là conservée par celui qui baigne dans le sang des autres.)
Une protection après l'autre, on pourrait laisser derrière soi un peu de sa terrifiante existence. On pourrait penser qu'avec ses obligations, l'homme ne pratique plus autant. En réalité, l'un n'empêche pas l'autre, et il pourrait finir maître s'il n'y prenait pas garde - il ne veut pas de ce poids sur les épaules.

• Quelle est son arme yihelle ? Quel nom porte-t-elle ?
► Une épée fine qu'il entretient avec tout l'amour du monde, qui n'a pas de raison de sortir si souvent que ça. Clémence, de son nom.

• Quel est son ressenti vis-à-vis des demi-démons ?
► Coquilles vidées. On est son ascendance et le poids d'une lignée - il traite avec eux lorsqu'il le faut, du bout des doigts, du bout des lèvres, et qu'il n'a pas le choix. Croiser leur route bouffe plus sûrement sa sanité mentale qu'autre chose. Ce sont des oiseaux de malheur et de terribles choses - et, peut-être un peu orgueilleux, certain de son avantage, il se dit qu'au moins malgré les horreurs sur son chemin, lui, il est humain.

Texte RP

C’est une collection qui s’étend à perte de vue, lorsque l’on ouvre le tiroir.
Bien sûr, presque tous les Sunlin possèdent des bijoux : les bagues et les bracelets sont monnaie courante, les perles et les ornements d’oreille se retrouvent sur plus d’un membre du clan. Chacun a dans ses affaires qui une breloque, qui un bijou de tête particulièrement admirable. Une épingle discrète finement ornée ou un collier rougeoyant qui attire l’oeil et rappelle leur statut. Sous le soleil certains murmurent l’on pourrait confondre l’or de leurs tenues et celles de leurs pendants.
Mais ce regroupement-ci, ce dégueulis qui vous avale la rétine et fragmente votre pupille, n’est clairement à nul autre pareil. Cela tient en deux choses :
Tout d’abord, le nombre certain. Au bas mot, le premier étage compte bien une bonne centaine d’ornements tout confondus, rangés par catégorie. La plupart sont d’argent pur, certains enchâssant des pierreries d’un bleu sombre, minuscules éclats de ciel au coeur de la neige. Quelques-un scintillent de l’éclat de cet or si caractéristique au clan qui aime également se parer de rouge. Rien n’est vulgaire, rien n’est clinquant. Une marée d’objets de bon goût et d’un artisanat exquis. Une prédominance de ceintures et d’ornements de tête, peut-être. On devine sous l’étalage de toutes ces splendeurs un fond de bois poli, engravé de quelques mots impossibles à lire.
Ensuite, l’unicité de cette collection tient en son propriétaire, présentement penché sur son trésor. Vêtu des habits de son clan, parfaitement coiffé, une légère odeur de cèdre ou de cendre s’accroche à ses mouvements. Ses yeux d’eau claire coulent sur chaque bijou sans se décider.
C’est là un homme extraordinaire ! Il soulève un pendant et le porte devant un miroir, croisant dans l’argent poli son regard.
C’est là un sombre déchet – la lumière du soleil frappe le rubis et teinte ses doigts de sang.

Tai Shuo repose la breloque et referme le tiroir. Le verrouille à double tour, et passe ses doigts sur la serrure pour la déloger et ouvrir un second compartiment juste en dessous. Le cliquetis est le même, peut-être un peu moins étonnant que le grandiloquent murmure du bois qui claque contre les parois.
Dans le petit compartiment, cinq ornements attendent. Deux bracelets, deux colliers, une ceinture. Ses doigts tâchés de lumière – trempés de sang, lui semble-t-il – passent sur chacun.
Un bracelet d’or, gravé du nom de son épée, aussi épais qu’il est léger. Le cadeau d’un père mourant à la fin de son apprentissage – lui appréciait de se souvenir que sous cette pression son coeur battait toujours. Trop voyant, trop silencieux. Il ne porte jamais rien à droite, toujours à gauche. Là où le coeur est et vomit sans discontinuer son sang.
Un collier d’argent, fin et délicat, à peine visible, coupure à même sa peau. Sur la pâleur de son cou, lorsqu’il le met, on pourrait penser qu’il n’a plus de tête. On voit bien que le fermoir de cet objet a été remplacé de multiples fois déjà. Un premier amour qu’il n’oublie pas, un échec entre des portes qui battent et des nuits honteuses – toute sa vie derrière des battants verrouillés, des pièces sans issue qui ne laissent rien d’autre que des souvenirs qui perdent leur nom.

Il soulève la ceinture entre ses doigts. Oh, elle n’est qu’ornementale : un filin agrémenté quelques diamants d’acier cliquetant à ses pas, complimentant bien sa tenue. Elle est discrète mais fidèle : il a fait rajouter depuis sa création deux anneaux d’argent pour en remplacer deux s’étant brisés suite à un accrochage. C’est une création originale, unique en son genre. Forgée loin de chez lui mais proche de sa famille – ou de ceux avec lesquels il a passé deux longues années en Songhi. Le nombre des formes la composant est symbolique : un pour chacun des apprentis qui a survécu loin de leur clan, loin du conflit. (Parce qu’il aime le symbolisme, cet assassin. Les maillons du trauma, la force de l’exil. Il n’aurait jamais avoué ça à haute voix.)
Ne restent que le collier et le dernier bracelet, complémentaires, entremêlés dans ce minuscule tiroir où rien ne semble rangé. Les deux sont là aussi d’un argent aussi pur qu’une lumière lunaire sur la neige qu jamais ne se pose. Des circonvolutions graciles et des souvenirs déchirants. Deux femmes exceptionnelles et un arrangement toujours silencieux. L’assassin ne sait pas vivre en plein jour, et ne sait pas non plus la force de son amour.
La bile remonte dans sa gorge.
C’est là un sombre déchet – le soleil brille sur lui, mais jamais plus sur elles.

Le tiroir claque et gronde. Il a la ceinture entre les doigts, la passe. Chaque mission à la capitale le voit se parer de celle-ci. La serrure se remet en place. Il attrape sur la commode une bague à l’opale changeante sous la lumière : chaque mouvement semble agiter sur le fond les couleurs tournoyantes.

Dehors, le soleil se couche et de sang inonde la vision de Tai Shuo. Il frissonne. Ce soir la ville, demain minuit la capitale. Ce soir l’appréhension, dans une révolution solaire la fin des cauchemars. Au fond de la pierre danse le poison presque arrivé à maturité. (Meurtrier chantent ses pas sur le sol de sa chambre tandis qu’il verrouille la porte comme à son habitude)
Il ne dort jamais, avant un contrat. Ne dort pas pour se souvenir des mots prononcés, se rendre compte qu’il les a bien enregistrés, planifier sa sortie et peut-être son entrée.
Le sang caille, la nuit avance.
Et sa silhouette d’argent et d’or, reconnaissable, traîne le reste de sa carcasse hantée jusqu’à sa prochaine cible au son des cliquetis de sa ceinture.